Avoir pignon sur rue, la petite boutique en bois avec la porte à clochette ou le bel espace loft new-age, voilà du concret pour les commerçants. Paradoxalement, alors que les consommateurs semblent déserter les rues, l’investissement dans les murs de boutiques ne faiblit pas. C’est qu’il est toujours rentable… lorsque l’emplacement a été bien choisi.
Un secteur théoriquement accessible aux investisseurs privés
Réputé pour avoir fait les jours en or des sociétés d’investissement (foncières, SCPI, OPCI), les baux commerciaux sont plutôt laissés à la gestion collective.
Pourtant, les murs de magasins ont de quoi séduire les investisseurs privés, ne serait-ce qu’en raison du faible risque d’impayés de loyer et de la stabilité du commerçant qui a besoin de conserver son emplacement. Succès oblige.
Cependant la crise économique suscite bien des interrogations sur l’avenir de l’immobilier commercial. Lorsque la consommation des ménages ralentit, le chiffre d’affaires des commerçants en est le premier affecté. Toutefois ce repli de la consommation est modéré par rapport aux pays touchés par la crise. L’étude fournit par CB Richard Ellis remarque que » Le consommateur français est moins endetté, demeure solvable et il a de plus une préférence pour l’épargne sécurisée (…). En outre, les prestations sociales modèrent un peu les conséquences de la crise. «
La résistance de la consommation en France justifie que l’on s’intéresse toujours aux murs de magasins, prometteurs de bons rendements pourvu que l’on s’en tienne aux trois règles d’or du commerce : l’emplacement, l’emplacement et… l’emplacement.
Le PDG du réseau Michel Simond, Elie Agnel, constate que » La demande reste forte sur les emplacements de qualité, (…) nous avons plus de demandes que d’offres. «
En pratique, un investissement à l’arraché…
Les bonnes places sont rares et chères. Voilà en résumé ce qui attend les investisseurs privés en concurrence avec les institutionnels sur les mêmes zones de chalandise qui ne s’avèrent pas si nombreuses. Du coup, dans les grandes villes françaises les prix font le grand écart d’une rue à l’autre.
Sans surprise à Paris, l’offre est très chère, rare et la demande très vive pour quelques mètres carrés de boutique avenue des Champs-Elysées, rue de Rivoli, de Rennes ou du Commerce… Il faut compter 1,8 million d’euros pour 92 m2 (sur deux niveaux) à l’entrée de la galerie des Champs-Elysées, 1,6 million d’euros pour 150 m2 rue du Faubourg-Saint-Honoré. Le même scénario se répète à Lyon sur la place Bellecour et la rue de la République, rue Saint-Ferréol à Marseille, avenue Jean-Médecin à Nice ou la rue Sainte-Catherine à Bordeaux. Le ticket d’entrée est donc un peu cher pour le quidam.
Pourtant, Paris ne manque pas de locaux commerciaux (83 400 rez-de-chaussée recensés en 2005) et d’autres emplacements sont envisageables.
Le président du GIE Orpi Entreprises, Daniel Cormier, conseille de prospecter les rues piétonnières et leurs rues parallèles. Les sites à proximité des stations de métro, des gares et évidemment des grands magasins ne déméritent pas. Ce qui est vrai à Paris l’est autant dans les agglomérations de province où les centres-villes sont à privilégier indique le responsable du réseau Guy Hoquet Entreprises & Commerces, Emmanuel Poncet. Ils sont l’objet de toutes les attentions des autorités locales qui n’hésitent pas à mettre en œuvre des moyens pour mieux le desservir, mieux l’aménager.
Dès lors, la fourchette de prix pour les quartiers de premier plan et le reste de la ville est très large. Dans des villes moyennes de province, telles que Nîmes ou Montpellier, une place de second choix se négocie autour de 50.000 euros, alors qu’il faudra compter 200 000 à 300 000 euros, quand ce n’est pas plus, pour un commerce sur un emplacement » prime « .
Deux méthodes sont couramment employées pour évaluer les murs de commerces : soit par capitalisation selon le taux de rendement, soit selon le » discounted cash-flow « , qui consiste à évaluer la valeur nette actualisée des revenus futurs.
…après avoir analysé les critères de rendement
Hormis le choix de l’emplacement, d’autres critères de rendement vont motiver l’investissement dans des murs de magasins.
Tout d’abord l’existence d’une concurrence dans la rue sera profitable aux boutiques de prêt-à-porter, aux cafés et aux restaurants, la rue devenant un point de rendez-vous de la clientèle. Elle le sera moins s’il s’agit d’une pharmacie ou d’une boulangerie. La fréquentation, la composition et les types de commerces de la rue renseignent sur le rendement prévisible.
Ensuite, pourquoi payer cher des locaux vides ? Selon Jacques Lumbroso, spécialiste de l’expertise des locaux commerciaux, » un bon local commercial est un local occupé et bien occupé. A défaut, on peut le soupçonner d’être mal placé ». Les investisseurs portent plus facilement leur choix sur les murs occupés. L’existence d’un locataire va augmenter le prix mais il représente une garantie de rentabilité, or, comme le dit Jacques Lumbroso, » On investit généralement dans des murs de magasins pour leur rentabilité « . L’occupation départage deux marchés : celui, incertain, des commerçants qui s’installent dans des locaux libres, celui, plus sécurisant, des murs occupés par un locataire dont on connaît la clientèle.
En définitive, les murs de boutiques rapportent entre 6 % et 10 %, voire 12 %. Jacques Lumbroso invite à ne pas cibler une trop forte rentabilité, traduite par un loyer excessif qui ferait fuir le commerçant à terme en pesant trop lourdement sur ses charges.
L’investisseur restera vigilant sur les modalités du bail commercial, en particulier sur le montant du loyer qui est fixé pour toute sa durée. L’augmentation dépendra ensuite de l’indice de révision et les possibilités de déplafonnement sont circonscrites à l’évolution des facteurs locaux de commercialité, générant l’envolée du montant des loyers dans le secteur. Le bailleur peut également déplafonner le loyer si le locataire a déspécialisé son activité sans que le bail ne l’en autorise, si le bail est d’une durée supérieure à neuf ans, ou encore si la prolongation du bail le fait dépasser douze ans.